[14/11/23] Séance Café'CAC sur les tiers-lieux à but non lucratifs


REECOUTER LES INTERVENTIONS (29mn)


Ressources partagées sur le sujet durant la séance




Café’CAC – mardi 14 novembre 2023 (9h à 10h45) sur les tiers-lieux à but non lucratif et non spéculatif - notes collectives


La liste des participant.es est établie via la liste des inscrit.es (elle pourra être communiquée sur demande) - 27 personnes connectées

PRÉSENTATION DES ACTIONS ET INITIATIVES DES INTERVENANTS

Rencontre avec le réseau les « tiers-lieuses », un collectif de lieux et d’associations d’éducation populaire, un réseau de tiers-lieux à but non lucratif et non spéculatif.
Le collectif des tiers-lieuses vient d’organiser son assemblée générale constituante après plusieurs années de rencontres et de travail commun. Il s’ajoute donc au vaste paysage des tiers-lieux avec un principe affirmé : défendre ces espaces comme non-lucratif « par contraste avec des espaces portés par le secteur marchand, l’entrepreneuriat spéculatif, et autres accélérateurs de business » et appuyer leur rôle « éminemment politique ».

Avec la participation de la coordination nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendants (CNLII) : un réseau qui regroupe des lieux d’art et de culture collaboratifs et expérimentaux, alternatifs, indépendants qui défendent leur autonomie vis-à-vis du pouvoir public et des logiques marchandes. Il viendra nous donner son regard sur la création des tiers-lieuses, son analyse sur les logiques marchandes qui traversent les tiers-lieux et les manières d’y résister.

1/ les Tiers-lieuses - https://les-tiers-lieuses.org/?PagePrincipale

  • Raphaël : sur l'histoire des "tiers-lieuses" qui est formé de plusieurs assos ou collectifs d'assos issues de l'éducation populaire, dont certains se nomment tiers-lieux, d'autres autrement.
- Ce regroupement a échangé régulièrement depuis 2016-2017 sur les pratiques de ses membres (
Important d'avoir ces temps d'échanges sur nos pratiques).
C'est à dire avant la mise en place d'une politique publique de soutien aux tiers-lieux.


Permet de donner "voix aux chapitres" aux tiers-lieux qui ne se retrouvent pas tout à fait dans la tonalité très "entreprenariale" des discussions sur les tiers-lieux.

- La première rencontre " tiers-lieux ruraux : des espaces d’accueil, d’échanges et d’expérimentation" a été organisée à la distillerie de Lodève en juillet 2018.
Rencontre qui a permis d'échanger sur les thématiques : aménagement du territoire, développement d'activités (par exemple)

- La 2ème s'est tenue au Moulinage de Chirols en Ardéche sur le thème "tiers-lieux, espaces-test et installation progressive"

- La 3ème à Toucy dans l'Yonne en juillet 2023 : "Au-delà des modes, au-delà des mots : faire éclore et durer les tiers-lieux à but non lucratif ?"
On retrouve toutes les dates et traces sur le wiki tiers-lieuses (valorisation en cours pour la 3ème) ici : https://les-tiers-lieuses.org/?CalendrieR
Puis organisation d'une série d'ateliers pour intensifier nos échanges jusqu'à cette idée concrétisée à la rentrée : en septembre 2023 AG constitutive = créer une structure afin de formaliser mieux un outil d'échange facilitant nos échanges.
But : mutualiser et expérimenter à plusieurs (notamment via accompagnement entre pairs)
contribuer aux récits
Créer espaces de travail et de ressources : https://les-tiers-lieuses.org/?PagePrincipale

  • Florence : la question a été posé de pourquoi un nouveau réseau ?
- pour appuyer sur le fait de la non lucrativité. Cette question a été débattue lors de la rencontre de juillet 2023.
Définition de la non lucrativté des ces lieux : on ne se partage pas les dividendes et on agit dans une perspective désintéressée, incluant aussi une gestion associative - circulation du pourvoir
Cela implique une réflexion sur la propriété des lieux afin de trouver des réponses en correspondance avec l'adn de nos projets qui s'inscrivent dans une perspective de transformation sociale, laquelle rime évidemment difficilement avec "secteur marchand".
Le tout dans un contexte où les injonctions aux associations peuvent être fortes pour avoir des "modèles économiques" nous demandant de pérenniser nos projets sans trop compter sur les subventions.
Cela revient aussi à réaffirmer les fondamentaux de nos statuts associatifs.

- Prochain rdv : 25 janvier à Saint-Étienne pour finaliser constitution de la structure et se mettre d'accord sur un programme d'action pour les années à venir


2/ AFAP Arts Factory Autre Part - https://autresparts.org/

Est un centre de ressources et un groupe de réflexions centré historiquement sur les friches culturelles (qui peuvent porter plusieurs noms), caractérisées comme des pratiques d'occupation d'espaces gérés en commun par des artistes, des militants et des habitants.
Espace lié à des enjeux d'aménagements ou de ménagements des territoires, le tout dans une perspective d'émancipation et d'éduc pop.

Crée à la fin du siècle dernier avec notamment le jalon important du rapport Fabrice Lextrait de 2001 : https://www.vie-publique.fr/rapport/25064-friches-laboratoires-fabriques-squats-projets-pluridisciplinaires


3/ CNLI Coordination Nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendantes - https://cnlii.org/

fondé en 2014 au collectif 12 à Mantes la jolie
Association informelle, qui correspond à une volonté d'auto-organisation auto-gouvernement en se basant sur une charte rédigée avec afap, ufisc, fédé régionale rhone-alpes et quelques autres réseaux - environ 250 lieux et même presque 300 maintenant.
L'animation CNLII est portée depuis 2018 par AFAP via l'organisation de forums : https://cnlii.org/category/forums/ (le prochain sera en 2024)

"Was ist nun ?" comme disait Hegel...
Was is das "tiers lieux" ?
Ce qui, au départ, étaient des initiatives de cousins, d'ami.es, d'allié.es (souvent du côté du logiciels libres etc... exemple le comptoir numérique à Saint-Etienne). Et finalement,, assez rapidement, on s'est aperçu que ce n'était plus de ça dont il s'agissait.
Mais "innovation technologique" "entreprenariat social" et "développement économique" sont arrivés avec une impulsion qui venait d'un autre endroit.
À ce moment là nous travaillions sur notre 3ème forum centré sur les communs..

En 2019, le tiers-lieux "nouvelle génération" venant d'une initiative public-privé portée par le CGET (Commissariat Général à l’Égalité des Territoires, qui faisait partie du ministère de l'égalité des territoires) qui se transformait à l'époque en agence (par lequel l'État fait muter ces dispositifs vers des dispositifs de culture privé lucrative) en ANCT (Agence de cohésion des territoires : https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/).
"nouveaux lieux
Au même moment, rapport sur le co-working fait par Patrick Levy-Waitz (un macronnien hérault de l'entreprenariat nouvel génération) commandé par Julien De Normandie : https://www.vie-publique.fr/rapport/37656-faire-ensemble-pour-mieux-vivre-ensemble-mission-coworking-territoires
Avec à la fin de ce rapport, l'ouverture sur les perspectives des tiers-lieux (vu par le néo-libéralisme dans l'évolution du rapport au travail).

Historiquement on avait déjà été confronté à des problématiques semblables de détournement en analysant des dispositifs de gentrifications auxquels on pouvait participer aussi à nos corps défendant.
C'est la raison pour laquelle on voit très favorablement l'émergence de ce réseau des tiers-lieux non lucratifs.
Il nous parait nécessaire de remettre de la multiplicité dans les tiers-lieux pour éviter l’appropriation, uniformisation par un acteur tentaculaire qui fonctionne via une absorption presque totalitaire (dans le sens où il n'y a pas d'alternatives possibles).
Donc lutter contre l'uniformisation induite par France tiers-lieux !


Échanges - discussions

Josette (MES -Mouvement pour l’Économie solidaire- et RIPESS) qui était à une rencontre France tiers-lieux (FTL) à Nancy est estomaquée par l'arrogance du Patrick ? expliquant que c'était "la première fois que depuis la guerre émergeait un mouvement aussi massif" !
Main mise de cette agence donc sur le concept de tiers-lieux pour en faire tout autre chose que ce qu'il était au départ. Nous y avions visité 2 tiers-lieux très différents.

Dominique (CAC et réseau habitats participatifs) : souhaite rapprocher cette analyse ce matin et la baisse du soutien aux EBE (entreprises à but d'emploi) et dispositifs zéro chômeurs
Volonté extérieure d'orienter nos actions vers des actions lucratives.

Jules (Afap, Cnlii) - effectivement il y a des liens à faire dans le sens où un des principaux objectifs du côté FTL, c'est d'utiliser les tiers-lieux pour faire de l'insertion, accueillir des chômeurs. Ca rejoint les dynamiques de France Travail. On constate du côté de nos associations culturelles une diminution des financements et soutiens des politiques publiques à la faveur d'un nouveau type d'acteurs, mixte de public/privé.

Dominique - Comment peut-on résister à ça ?

Nicole - une politique qui se répand dans tous les secteurs : moins de subvention, de financement pour les associations. Les tiers-lieux, politique publique mise en place, mais comment se fait l'autonomie des structures ? Quid de la gestion, quels financements publics ? Comment se maintiennent les structures dans le temps ? Comment faire autrement ?

Florence (Crefad) - les modes de gestion, financement sont souvent très singuliers. La principale modalité de résistance, c'est de faire réseau. Porter nos problématiques plus collectivement, permet de se soutenir les uns les autres.

Jean-Baptiste (CAC) -
Merci pour cette présentation très éclairante qui m'a fait me souvenir d'une présentation passionnante (il y a déjà plusieurs années) par Michel Lallement de son livre : "L'âge du faire - Hacking, travail, anarchie" : https://www.seuil.com/ouvrage/l-age-du-faire-michel-lallement/9782021190496
3 sujets de préoccupations au CAC via nos travaux de l'Observatoire citoyen de la marchandisation (OCMA : ) qui font écho aux 2 présentations :
> Le Cadre européen change. La défense de la non lucrativité va passer par cet échelon là.
> Initiative "1 milliard pour la transition écologique et solidaire" impulsé par le réseau des Licoornes (coopératives) via. B. Sibille. Combat pour que les financements soient orientés de façon pertinente. Comment être partie prenante de cette initiative ?
> Le foncier. la manière dont ça rejoint nos préoccupations, (sur)détermine les modèles socio-économiques.

Olivier - sur quel argumentaire on s'appuie ? A-t-on un argumentaire déjà établi sur lequel s'appuyer ?
La démarche du Collectif Transition Citoyenne à travers la démarche de "label" "Lieux de convergence des transitions" peut peut-être répondre à ce besoin ...

Guillaume de Suich - je suis artiste au départ et ai un vécu autour de "squats" il y a déjà plusieurs décennies... aujourd'hui j'ai une responsabilité d'élu dans une ville en charge de politique vie associative

Valérie : petit pas de côté en partant des travailleurs indépendants qui peuvent ressentir aussi cette sorte de récupération via une approche particulière du co-working.
  • Au départ l'idée est de se mettre ensemble et pas de créer une sorte "silicon valley" à la française

Bruno Six : concrètement on est un peu coincé localement à être obligé de répondre à des AAP (appels à projets), etc. (exemple le label "fabrique de territoires" de 2 ans puis PTCE... difficile de pérenniser nos expériences !).
Il y a un grand écart entre l'utilisation des outils disponibles et nos analyses.
J'entends les critiques sur les agences publiques par exemple et je vois bien l'influence de réseau comme SOS et en même temps il n'est pas simple de trouver des espaces alternatifs qui permettent de survivre.
Difficile aussi d'accompagner les décideurs locaux pour qu'ils nous accompagnent bien (et nous rangent pas systématiquement dans la catégorie "associations gentillettes de pétanque").

  • Lien tiers-lieuses et CNLII ? oui à l'origine des tiers-lieuse il y avait un rdv commun organisé par CNLII et se rencontrent régulièrement

Ce sont des espaces d'échanges différents, qui proposent des rencontres, expressions différentes ... le mieux est participer aux 2 organisations.
Il faut allez voir les textes de référence des uns et des autres et penser les alliances entre nous.
Fort enjeux de non-lucrativité dans tiers-lieuses avec dimension éduc pop (créfad)
CNLII a sa charte en réf et bcp d'enjeux de rapport à l'ouvrage (arts, arts de faire) : permet d’œuvrer concrètement.
Existe des mouvances plus spatiales du côté des squats
Certains seront plus côte des fablab (production distribuée) voire des ZAD
En tout cas l'idée est de bien identifier l'offensive qui nous tombe dessus : le capital a trouvé la manière de mesurer et donc de "capturer" la valeur de nos pratiques dans nos lieux.
C'est ce que Marx appelait la transvaluation càd on passe de la valeur d'usage à la valeur d'échange
et le logiciel de l'ESS est faible par rapport à ça, il s'est fait perforer !

Dans ce cadre il existe nouvelle captation de la valeur - faut lutter contre, et il n'existe pas une réponse unique mais plein de contre propositions à faire. Il n'y a pas une réponse mais plein de réponses à inventer d'où l'intérêt d'organiser nos échanges à ce sujet
1/ Par exemple on travaille sur un droit à la maitrise d'usage (qui rejoint le droit à la ville et le droit des habitants et renvoie à la question rurale du droit de fermage) c'est une contre mesure possible
2/ Autre point essentiel : l'histoire de nos pratiques faire le récit de nos pratiques pour les transmettre et être un obstacle à la récupération
3/ Enfin l'offensive ne vient pas d'un "eux" elle nous traverse aussi et doit être pensée depuis nous

Jean Siry - Faire réseau à partir d'un territoire. La collectivité a pris l'initiative de faire un espace de co-working (qui devait être d'abord un tiers-lieu). Dans mon territoire, proximité avec le café de l'espace à 6km de Giat (Creuse). Faire depuis un espace de co-working, un tiers-lieuse ?

Jules - les 250 lieux de la Cnlii se sont inventés sans le logiciel "tiers-lieus", avant qu'il n'existe. Premier lieu qui s'appelle tiers-lieu, c'est 2010. Première friche culturelle, c'est 1984. L'enjeu c'est les pratiques qu'on défend, les liens entre paroles et actes, ce qui se réfléchit. "Il faut aller à leur rencontre pour s'en rendre compte".

Laure : résoquartier (13e arrondissement-Paris). Insensiblement, de façon très apolitique, on se dirige vers l'économie du troc. Plus d'argent qui circule. On se rend compte que c'est une économie. C'est accepté par tout le monde, c'est revendiqué de plus en plus. Est-ce qu'on est les seuls à délirer dans notre coin ? Comment s'organise ces économies de l'entraide ailleurs ? On vient de gagner la mascarade du budget participatif pour équiper un local de 400m2. Comment concevoir l'économie à travers l'échange ?

Josette Combes - la question de l'histoire est flagrante. Ça m'avait frappé à Nancy où chacun revendiquait d'avoir inventé la merveille des merveilles. Dans un ouvrage : l'économie en mouvement (auquel le CAC a participé d'ailleurs), on remonte aux sources de ce qu'est l'entreprise citoyenne : se mettre ensemble pour répondre à des besoins identifiés par eux-mêmes. Présentation le 21 novembre au CNAM (https://mobilisations.associations-citoyennes.net/?EssEnMouvementPourUneSocieteEnTransition) . Présente des initiatives qui ont émergé depuis plus de 30 ans. Les tiers-lieux sont une appellation nouvelle mais ces espaces existent depuis plus longtemps.
Nous défendons la démocratie économique et l'implication citoyenne. On peut créer toutes les formes qu'on souhaite. Le réseau des tiers-lieuses semble intéressant, en intelligence collective.
Etes-vous à l'intérieur de ce machin mis en place par l’État (France Tiers-Lieux) ?

Jules - Afap est entré à France Tiers-Lieux (FTL). Il faut connaitre son ennemi pour pouvoir le combattre. Par contre la Cnlii est résolument dehors pour continuer à travailler pair à pair avec FTL. Position complexe mais c'est toujours ça la politique.

Ajout par mail de Raphaël - Je souscris à ce que Jules a développé sur la logique d'absorption et de contrôle des initiatives par l'Etat à travers France tiers-lieux, en s'accointant au passage avec quelques têtes de l'entrepreneuriat social. Sur l'aspect "déshistorisation" du phénomène aussi, qui tend à gommer toutes les démarches et les initiatives qui existaient déjà... avant l'essor de ce dispositif national autour des tiers-lieux inspiré du coworking et teinté d'une approche néolibérale.
Mais j'ai bien entendu la question/ remarque de Bruno (la Californie, Toucy) sur comment on fait pour se débrouiller, obtenir des financements, voire une forme de reconnaissance institutionnelle, pour animer et faire vivre des lieux avec des actions d'intérêt général, ou du moins d'utilité sociale avérée, qui ont une réalité économique ? On pourrait ajouter : sans s'embarquer dans des actions qui nous détournent de notre objet premier & en gardant de la marge de manœuvre ??
Pas de réponse simple et unique en effet, mais je crois que nous partageons l'attachement au fait associatif et au principe de la subvention ;
il me semble aussi important de bâtir des alliances autour de valeurs partagées et de se coordonner pour répondre aux besoins exprimés, en tenant compte des situation particulières, sans que ce soit imposé d'en haut... (voir le manifeste accessible sur le wiki : https://les-tiers-lieuses.org/?Manifeste et les mises en perspective proposées dans le recueil Tiers-lieux à but non lucratif )
Sur les dimensions politique et sociale des "tiers-lieux", j'avais mis dans le chat un lien vers un article paru dans Transrural initiatives qui propose une analyse de ce qui se joue, à partir d'une enquête sur une dizaine de lieux en 2022 et de nos travaux communs.
En voici la version longue avec le rapport annexé : http://www.reseau-relier.org/Enquete-Des-Tiers-Lieux-aux-Tiers
Pour terminer (provisoirement !), Les tiers-lieuses sont un espace pour échanger sur les situations et pratiques de chacun⋅e en prenant du recul, en s'informant et se formant collectivement, expérimenter à plusieurs, interpeller au besoin... Le document "finalités / fonctions" ci-joint (déjà envoyé pour l'AG du 15 septembre) le détaille.

(fin à 10h45 mais il resterait encore 1.000 choses à dire)


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