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INSTRUMENTALISATION

"Avec l'instrumentalisation, c’est le sujet qui est assujetti à un objet quelconque, par exemple à la machine d'une chaîne de montage, à la volonté d'un supérieur hiérarchique, aux impératifs d'un dispositif social autoritaire." (Joëlle Zask, Ecologie et Démocratie, 2022).


  • 1/ L’indépendance du secteur associatif est la question centrale. C’est sa raison d’être. Un secteur dynamique, qui analyse par sa pratique les évolutions de la société et est en capacité d’être force de proposition tant en accompagnement les politiques publiques, qu’en expérimentation de nouvelles pratiques. Pourtant c’est au nom de cette capacité d’innovation que le secteur privé entre fortement dans le champ associatif, soutenu par des investisseurs privés et promu par le gouvernement au nom du French Impact, de la Start-up nation, ou de l’entrepreneuriat social. Affaibli par les procédures d’appel d’offre ou d’appel à projet, la liberté d’initiative est contestée, fragilisant par la même le principe de la subvention. Privé de leurs aides structurelles liées au fonctionnement, les associations se retrouvent sur un marché concurrentiel dans lequel elles ne jouent pas à armes égales et surtout ne poursuivent pas le même objectif que les acteurs lucratifs.
  • 2/ La déstructuration de l’emploi associatif heurte directement la capacité d’action des associations. La fragilité du secteur impacte directement ses salarié.e.s qui sont les premiers concernés par les bas salaires, et la précarité. A l’opposé, c’est bien d’emplois pérennes, garantis par des conventions pluriannuelles, et qualifiés dont nous avons besoin. A cela s’ajoute la destruction massive des emplois aidés, qui constituaient un réel atout pour la société. Emplois qui ouvraient à un accompagnement, une qualification, et une considération pour les personnes.
  • 3/ Des financements dépendant de la volonté politique Baisse des subventions publiques et recours aux appels d’offre, baisse de la dotation de l’État aux collectivités locales, suppression de la « réserve parlementaire » non compensée par le FDVA2, développement des « contrats à impact social », lois limitant les libertés associatives et individuelles comme par exemple la non protection des lanceurs d’alerte … cela au moment où l’action des associations est plus que jamais nécessaire face à l’explosion des inégalités, la défiance vis-à-vis des pratiques de la démocratie représentative, l’urgence environnementale…

Contexte des années 80, économistes libéraux (le TINA de Mme Tatcher) + UE : le coût excessif des services publics, leur inadaptation, la concurrence déloyale avec les initiatives privées - Concurrence libre et non faussée.

  • 1986 : traité de l’acte unique européen => libéralisation des services publics.
  • LOLF en 2001 loi organique relative aux lois de finances : loi complétant la Constitution afin de préciser l'organisation des pouvoirs publics. Loi organique au-dessus des lois ordinaires. Complète les dispositions constitutionnelles.
=> programmation financière pluriannuelle + objectifs de performance par programme + mesurer l’impact des politiques publiques.
=> effet : réduction du périmètre d’intervention de l’action publique.
  • RGPP en 2007, audits par des cabinets privés.
=> effet : non remplacement d’un fonctionnaire sur 2, regroupement de service (DDJS incluse dans Cohésion Sociale)
  • une approche par le New Public Management importé des USA, le monde des affaires arrive à la tête de l’État.
=> supériorité du marché et de la gestion privée, méthodes de management issues du secteur privé.
=> citoyens, usagers, clients
=> culture du résultat
  • Pour les associations
=> perte de lien avec les administrations
=> perte de dialogue - procédures administratives automatiques
=> perte de lignes budgétaires par la concentration des programmes
=> perte de financements pour les petites et moyennes associations / grosses structures
  • Loi Fillon
=> associations prestataires, commande publique et AAP
=> non reconnaissance du caractère économique non lucratif ou des actions non-économique

La Fonda N°212 - Éclairages pour l'avenir des associations - Décembre 2011
Les associations à l'horizon 2020 : Scénario 2 - l’État se défausse
L’État s’allège en transférant une grande partie des services et des missions qu’il assurait à d’autres acteurs. La décroissance de « l’Etat providence » sous toutes ses formes est programmée. Les associations sont confrontées ainsi à la volonté de l’État central de favoriser une société auto-organisée de proximité, à l’image de la « Big society » de David Cameron. Pour réduire les dépenses publiques, l'État délègue la plupart des missions collectives aux collectivités locales, en vue de les confier à la société civile (associations, communautés, familles et individus). Cette forme de reconnaissance des associations est sans doute flatteuse mais ce faisant, il les instrumentalise en leur imposant normes et contrôles. Les pouvoirs publics restent ainsi garants de l’intérêt général mais sans une attribution des moyens nécessaires.
Ce transfert de missions publiques vers le local, voire jusqu’aux individus ou leurs proches, est à l’origine d’investissements associatifs locaux. Cependant on assiste à l’épuisement des personnes et des collectifs associatifs car les tâches à assumer sont trop lourdes et encadrées par des cahiers de charges trop normatifs et des réglementations excessives. Enrégimentée, l’innovation associative est fortement compromise.
Les capacités d’action collective sont variables selon les territoires, aussi l’espace social se fragmente et la cohésion sociale s’effrite. Face à un vieillissement inégal et à une attractivité économique contrastée, l’hétérogénéité spatiale conduit à des formes d’ostracisme à l’égard de certaines personnes ou de certains groupes. Lorsque la structuration locale des associations est forte, elles pèsent sur les politiques publiques mais sans pouvoir étendre leur influence à l'échelle nationale.
Accaparé par ses responsabilités d’employeur, le mouvement associatif organisé devient une sorte de syndicat de défense des intérêts du secteur. Ses rapports avec L’Etat et les collectivités constituent son horizon indépassable, ce qui ne peut entraîner l’adhésion des associations qui se situent hors d’une perspective gestionnaire. Les injonctions paradoxales imposées aux associations employeurs faussent souvent le dialogue social avec les syndicats de salariés des associations. La capacité d’innovation ne se développe que dans les marges, en dehors de la sphère des services. Les regroupements de ces initiatives sont ici difficiles, sans moyens, éphémères, et pèsent très peu dans le débat public général.
Au plan européen, la menace du durcissement de l’application du droit européen de la concurrence aux associations reste particulièrement forte, et le mouvement associatif trop éclaté pour intervenir. Les fédérations ou coordinations, désorganisées, pèsent peu dans le débat européen à l’image de l’Etat français, coincé entre les directives de l’Europe et le pouvoir accru des régions.
Dans ce scénario, les associations, instrumentalisées, se laissent enrôler et s’adaptent au modèle économique dominant.


Article Cairn info 2002 :champ social instrumentalisé, et dérives associatives