Fonds à impact Social


Les fonds à impact « ont pour objet d’investir les liquidités de leurs clients dans des projets à fort impact social ou environnement, suivant les principes de l’investissement à impact », définit l’Avise. En clair, si les contrats à impact social s’attachent à des programmes précis, de durée limitée, les fonds à impact visent plus large, sur des projets de plus long terme. Exemple avec le fonds « Hémisphère ».

« Hémisphère », joli nom pour un fonds à impact social ! Le 15 mars 2017, le groupe de la Société nationale immobilière (SNI) de la Caisse des dépôts annonce la création de ce fonds. Dans une tribune au Monde daté du 11 avril 2017, Vincent Mahé, secrétaire général du groupe SNI, estime que ce fonds « permet au social impact bonds de franchir un nouveau cap ». Cette fois, l’investisseur privé ne risque plus rien ; plus question de perdre sa mise au cas où les objectifs sociaux fixés comme dans les contrats à impact social ne sont pas atteints.

Ce Fonds doté de 100 millions d’euros rachète, dans un premier temps, 62 hôtels de type Formule 1, (à terme une centaine d’hôtels). Ces derniers seront transformés en résidence hôtelière à vocation sociale et loués à Adoma, chargé de gérer l’hébergement et l’accompagnement social.
Les investisseurs récupèrent une part fixe, constituée par les loyers, et une part variable : un retour sur investissement de plus ou moins 4% en fonction d’objectifs sociaux fixés à Adoma : scolarisation des enfants, signature d’un contrat d’accompagnement, ouverture de droits sociaux et sortie vers le logement. Ces objectifs seront vérifiés par un évaluateur indépendant. Des objectifs qui relèvent, soulignons le, entièrement d’obligations légales…

« Un système qui permet à des investisseurs financiers de réaliser des profits sur de l’hébergement de familles à l’hôtel pose des problèmes d’ordre éthique », réagissait à l'époque Florent Gueguen de la FAS. « Pas d’état d’âme » par contre pour le président du Samu social, Eric Pliez, face à ce type de financements privés « à condition que le cahier des charges initial que nous avons défendu en terme de surface pour les familles, d’installation de cuisine, et d’accompagnement social soit respecté. Quitter un hôtelier privé pour aller vers un fonds d’investissement n’a de sens que si on y gagne qualitativement en terme d’hébergement et d’accompagnement social ».

Or, il est très rapidement apparu que les conditions d’hébergement dans ces hôtels perdus au milieu de nulle part étaient catastrophiques. Lorsque Léa, une bénévole militante dans plusieurs collectifs de Lyon, se rend au mois d’août 2017 pour la première fois au Prahda de Peronnas, l’hôtel abrite 45 personnes, « sans cuisine, sans dispositifs chauffants interdits dans l’hôtel, un seul frigo pour 45 personnes », témoigne-t-elle. Dans la majorité des Prahda ouverts, ces mêmes constats se répètent. Normal, le prix fixé par jour et par personne s’élève à 17,5 euros. Le ministère du Logement évaluait à 23 euros le coût moyen d’une journée d’hébergement avec accompagnement social. Or, on connaît la situation déjà très dégradée du secteur de l’hébergement. Impossible donc de nourrir, héberger et accompagner avec 17,5 euros.

Au delà, des conditions d’hébergement, le sens même de ces structures se révèlent très problématique pour les travailleurs sociaux. En postulant au poste d’intervenant social en Prahda, Pauline* (le prénom a été modifié) pense qu’elle va accompagner des demandeurs d’asile dans leurs démarches, leur apprentissage du français, leur insertion en France… Une fois en poste, elle tombe de haut. « Nous étions deux travailleuses sociales avec plus de 45 personnes complètement livrées à nous même, sans chef de service, sans directeur et avec une consigne : nous plier aux demandes de la préfecture ». Orientées depuis les centres d’accueil et d’orientation (CAO) par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), la majorité des personnes envoyées dans les Prahda relèvent de la procédure Dublin (qui veut que le premier pays européen où la personne a laissé ses empreintes soit celui chargé d’étudier la demande d’asile).

Dès qu’elles arrivent en Prahda, la préfecture leur adresse un arrêté de transfert et les assigne à résidence. « J’ai vécu des scènes que je pensais inimaginables : la préfecture nous prévenait la veille par mail de son arrivée au centre. Les agents prenaient notre bureau, des gendarmes placés à la porte, et y faisaient signer les arrêtés », témoigne Pauline. Elle a finalement été licenciée pour avoir trop rechignée devant ces consignes. Selon elle, les travailleurs sociaux ne doivent pas accepter d’entrer dans ces structures. « Quand la préfecture nous dit : voilà le billet d’avion du monsieur, c’est le 5, il a rendez-vous le 4 à la gendarmerie, merci de nous le déposer à 8 heures. Comment peut-on faire cela ? ».

Quant aux objectifs sociaux figurant dans les objectifs du Fonds, il semble avoir été totalement oubliés…