DROIT ET MOUVEMENTS SOCIAUX (présentation complète et synthétique du projet)
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I/ L’IDÉE INITIALE
Le rapport « DROIT DEVANT Faire progresser le droit à l’heure de la mondialisation » de Juliette Decoster expose et présente un contexte en évolution pour les mouvements sociaux où l’importance du droit et des combats politiques autour du droit deviennent de plus en plus prégnants.Par ailleurs, la conférence gesticulée et le livre coécrit par Marie-Laure Guislain « Le néolibéralisme va-t-il mourir et comment faire pour que ça aille plus vite » analysent l’utilisation du droit dans les mouvements sociaux, et encouragent à ce qu’il devienne un levier commun de changement du système néolibéral.
Forts de leurs expériences1, l’association Sciences Citoyennes, Marie-Laure Guislain (ancienne responsable du contentieux stratégique à Sherpa) et le Collectif des Associations Citoyennes se sont lancés dans la préfiguration d’un espace de travail dont les quatre objectifs complémentaires sont définis ainsi
- 1/ Mettre à disposition, rendre accessibles et maintenir des outils et des moyens permettant aux mouvements sociaux de s’approprier le droit pour leur action
- 2/ Envisager une structure qui permette l’information, la formation, l’accompagnement, l’autonomisation des mouvements devant ou souhaitant utiliser le droit
- 3/ Développer un plaidoyer sur les questions de démocratie et de droits et libertés
- 4/ Étudier le développement du contentieux stratégique comme outil de mobilisation en France tout en analysant les risques et les coûts afférents.
II/ DIAGNOSTIC DE DÉPART ET IDENTIFICATION DES PREMIÈRES CONDITIONS DE RÉUSSITE DU PROJET
- limite des actions passéesMalgré cette complexification du contexte, il n’en reste pas moins que le terrain juridique est investi de plus en plus fréquemment et intensément par les acteurs sociaux, associations, syndicats, coopératives... Soit qu’elles en font le coeur de leur projet associatif (Sherpa par exemple), soit qu’elles soient amenées par « la force des choses » à développer des compétences spécifiques dans ce domaine pour mener à bien leurs missions. Nous pouvons illustrer le propos avec le travail des membres de France Nature Environnement, les Amis de la Terre ou de L214 qui n’avaient peut-être pas prévu, il y a encore une décennie, à quel point le droit deviendrait un outil aussi prégnant au quotidien.
Et, fort heureusement, ces efforts sont régulièrement couronnés de succès, qu’il s’agisse de luttes visant à faire reconnaître et appliquer le droit existant ou de combats pour créer de nouvelles normes plus protectrices de l’environnement et des droits humains fondamentaux (nous pouvons penser par exemple ici à la loi sur le devoir de vigilance des multinationales à propos duquel une directive est en cours d’examen par les institutions de l’UE).
Toutefois, au regard du rapport de force actuel, très favorable aux tenants d’une économie dérégulée, financiarisée et mondialisée, ces avancées utilisant le levier du droit, quand elles adviennent, restent d’une portée globalement bien trop limitée.
Nous observons notamment de grandes lacunes dans la capacité à « transférer » ou traduire des luttes juridiques victorieuses dans des modalités d’actions appartenant à d’autres sphères d’activités (sociales, environnementales, culturelles...).
Comment par exemple la remarquable construction de plaidoyer autour des droits culturels portés notamment par l’UFISC ou le Réseau Culture 21 peut être « réinvestie » par les travailleurs sociaux et utile dans leur combat quotidien contre les discriminations ?
Comment la créativité des militants de la Quadrature du Net peut, demain, constituer une ressource inspirante pour des enjeux, par certains aspects similaires, dans le domaine du numérique et du secteur culturel ou de la communication et des médias ?
Comment la pratique du contentieux stratégique par des organisations telles que Sherpa peut-elle se diffuser auprès d'autres organisations mais aussi permettre par le biais de synergies de créer le rapport de force nécessaire pour obtenir gain de cause ?
Les questionnements fertiles sur la place centrale des usagers sont au coeur d’associations historiques de lutte contre le sida ou de structures comme ATD Quart-Monde. Comment concevoir l’aide aux personnes exclues d’une façon qui ne soit pas descendante, voire condescendante ?
Comment assurer un égal accès au droit (et ce que cela induit de réciprocité) qui ne soit pas réduit exclusivement à des principes de charité ?
- propositions de dépassement
Des recensements d'outils pour l'action existent mais ils ne sont pas maintenus. Sans entretien permanent, ils sont quasiment obsolètes au moment de leur publication. Par ailleurs, recenser les outils ne suffit généralement pas à les rendre accessibles. De ce constat a émergé l'idée de créer une structure dont l'une des premières missions serait de pérenniser ce recensement et d’en améliorer l’accessibilité.
Par ailleurs, il s’agit de créer un espace de travail commun (dont la forme est à définir notamment au moment de sa phase de préfiguration, cf. chapitre ci-dessous). Cet espace de travail reposera sur l’articulation d’une double exigence :
- 1/ l’accompagnement d’une montée en expertise toujours plus nécessaire
- 2/ Un effort constant et de très haute tenue pour vulgariser et de diffusion dans de bonnes conditions le savoir juridique
III/ PHASAGE
Ce phasage est indicatif et est utilisé principalement comme instrument de pilotage du projet. Dans l’effectivité de l’action, les séquences peuvent en partie se superposer.Phase 1 - Identification des organisations intéressées et des outils à disposition (à partir de début 2022)
Note : cette phase a été intégrée au travail prévu dans le cadre du processus Sciences-Sociétés-Démocratie porté par Sciences Citoyennes, Global Chance, IPAM et l’AITEC, soutenu par la fondation Un monde par tous
Nous avons entamé un travail d’identification des actrices et acteurs travaillant sur ces questions ainsi qu'un recensement des outils existants en matière de droit pour les mobilisations. Nous voulons éviter de « réinventer la roue », aussi bien que d'apparaître comme un « aspirateur à idées », alors que notre objectif est tout à fait contraire.
Concrètement cela passera par les étapes suivantes :
- • Recensement des acteurs par types d’activités et d’actions, objectifs stratégiques, moyens mobilisés, réseaux… Cela donnera lieu à la production d'un annuaire que nous pourrons utiliser lors des phases ultérieures et mettre à disposition sous licence Creative Commons.
Pour éviter une dispersion et être en phase avec la réalité du moment, nous prévoyons des échanges avec un certain nombre de personnes ou organisations ressources (Vox Public, Sherpa, Intérêt à agir...) pour obtenir des contacts et des références.
Phase 2 - Approfondissement de la réflexion et cadrage du projet collectif (à partir du printemps 2022)
Il s'agit, dans cette deuxième phase du projet, d'abonder nos réflexions et idées en réalisant des entretiens avec les acteurs prééminents identifiés lors de la première phase. Grâce à cela, nous pourrons sonder l’intérêt et le niveau d’implication possible dans la structure envisagée : centre de ressources, conseil scientifique, comité de gouvernance, etc.
Le résultat de ces entretiens devrait constituer un "capital" en soi. Se posera alors la question de l'intérêt de sa diffusion.
Le séminaire des associations citoyennes organisé par le CAC les 14 et 15 avril 2022 fut un point d'étape, où nous avons pu concrètement sonder, avec les organisations présentes, leur investissement potentiel. Le groupe de travail "Judiciarisation" du projet Sciences-Sociétés-Démocratie y a participé en partageant son expérience sur ce thème en s'appuyant sur la série de webinaires qu'il a organisée au cours de l'année 2021.
Phase 3 - Préfiguration de la future structure (2nd semestre-année 2023)
La dernière phase - et non des moindres - du projet présenté dans ce document consistera en la préfiguration de la future structure. Il s'agira de :
- • réunir les acteurs essentiels au projet dans un comité de pilotage permettant d’aborder l’ensemble des dimensions de ce projet et animer ce comité de pilotage ;
- • fixer les missions, les modalités d'action ainsi que les contributeurs, partenaires et publics de la structure ;
- • définir sa gouvernance et fixer d'éventuels points de vigilance (fonctionnement interne et interaction avec l'extérieur) ;
- • identifier les sources de financement choisies, privilégiées, possibles mais aussi à proscrire ;
- • rédiger des projets de statuts, de règlement intérieur ou de charte constitutive pour la structure si un modèle de type association est privilégié ;
- • élaborer un budget et un planning de mise en œuvre prévisionnels.
IV/ LES PROCHAINES ÉTAPES ET LES POINTS D’ATTENTION DU DÉMARRAGE
IV.1 Il s’agit de chercher la synergie et la complémentarité entre les parties-prenantes de la démarche. Le but est d’éviter de faire doublon et cela pose, en arrière-fond, la question de la maîtrise du temps.
Pour ne pas faire un « énième » collectif, il s’agira donc de bien définir le périmètre de DMS.
IV.2 La question du périmètre
- 1. Question du périmètre géographique : échelle locale, nationale et internationale ?
- 2. Question du périmètre disciplinaire : tous les droits de front ou quelques portes d'entrées privilégiées dans un premier temps ?
- 3. Question des acteurs mobilisés dès la préfiguration : comment transformer les potentiels usagers de cet espace de travail en acteurs et comment toucher ceux qui sont isolés et qui en ont probablement le plus besoin ?
- 4. Question des fonctions : formations, accompagnement, création de ressources, etc.
- 5. Question de l'articulation avec des dynamiques qui s'apparentent à l'initiative que l'on porte
- 6. Au-delà du rôle de passerelle que ce collectif entend jouer, quelles activités propres peut-il envisager de mener ou de coordonner en matière de contentieux stratégique ou de plaidoyer ?
- 7. Et en toile de fond la question des activités requérant un financement dédié
IV.3 L’enjeu de la place du droit dans la société
Si ce projet est nourri d’une nécessité née de la place croissante du droit dans la société, ses initiateurs ont à l’esprit l’importance de ne pas tout judiciariser et cette réflexion devra nous accompagner tout le long de notre projet.
De la même façon, une exigence de réflexion doit être présente sur les possibles risques de marchandisation des actions juridiques dans le champ des mouvements sociaux.
IV.4 La question de la gouvernance reste à définir
Quelles modalités sont possibles ? Laquelle est le meilleur choix ?
L’engouement des acteurs impliqués, ainsi que la complexité et la multiplicité des questions soulevées au fur et à mesure de la préfiguration du projet révèlent une ampleur du travail qui n’avait pas été entièrement mesurée dans un premier temps. À cela s’ajoutent de multiples contacts en bilatéral, des entretiens individuels, une série de défrichages préalables des multiples pistes évoquées, l’organisation, la coordination et la facilitation des réunions, qui nécessiteraient des ressources à la hauteur des moyens engagés et à envisager.