DELAQUEZE Yoann, directeur MJC Massinon

Le quinquennat d’E. Macron s’achève actuellement. En prenant un peu de hauteur sur l’actualité, que souhaiteriez-vous exprimer sur son bilan en matière de vie associative ? De manière générale, a-t-on plutôt assisté à des avancés ? Des reculs ? Que peut-on retenir, selon vous, globalement, de ces 60 derniers mois ? La période Covid a été une parenthèse difficile pour une association dont l'objet est le lien social, mais il faut néanmoins reconnaître que les dispositifs d'aides de l'Etat (fonds de solidarité, chômage partiel, exonération de charges) ont permis de sauver économiquement la structure pour le moment. Ces aides permettent même de passer le cap de cette saison 2021/2022 qui ne sera toujours pas une saison de retour à la normale. A voir si la saison suivante permettra un retour à un fonctionnement viable économiquement car l’excédent de fond de roulement réalisé aura disparu. Bilan en dehors de la période "Covid" atypique et non représentative, je ne perçois que recul dans la droite ligne de ce qui a été instauré depuis des années pour une association œuvrant dans le champ de l'éducation populaire au sein d'un quartier prioritaire de la Politique de la Ville: - dissolution de l'éducation populaire et de la vie associative des mouvements de jeunesse : dilués dans le grand ministère de l'éducation nationale : fonctionnaires territoriaux interlocuteurs disparus, en déménagement ou n'ayant aucune réponse à donner... La thème de la Jeunesse a été réduit a 2 projets gouvernementaux : le Service National Universel et au Contrat Engagement Jeune... Quelle place pour les associations d'éducation populaire dans ces dispositifs ? Raréfaction de la ressource publique qui va de pair avec la complexification de l’instruction des dossiers de financements - disparition de la cohésion sociale dans un fourre-tout emploi et solidarité : la Politique de la Ville a été enterrée avec le rapport Borloo : aucune ambition. On parle de Politique Publique visant à soutenir l'éducation à la citoyenneté et les moyens d'actions sont de micro-subventions pour des "actions" annuelles, sans aucune visibilité à moyen et long terme, tout le contraire de ce que représente l'éducation : du temps long... Il faut des résultats rapides, des indicateurs flamboyants, un buzz sur Internet et une statistique pour la préfecture... Sans compter les plate-forme successives avec leur lots de bugs et de maintenance pendant l'instruction (qui dure un mois sur 12) : sites ADDEL, DAUPHIN je conseille le visionnement de : https://www.youtube.com/watch?v=ly2bgti_--8 contrairement à ce qui a été vendu, des documents complémentaires sont exigés et ont complexifiés encore la chose. Ces plateformes ont été mises en place pour "simplifier" le travail des associations ! Bon courage aux bénévoles qui s'impliquent dans une association sans professionnel... - montée en charge continue des instructions de dossiers à tout niveau (du local au national, grâce au mille-feuille si bien connu) : la simplification n'est pas passée par chez nous : le temps passé à l'instruction des dossiers de demandes de financements, à leur AUTO-évaluation (quelle pertinence !) va croissant, dévore le temps de l'action et trop souvent n'est pas financé par ces partenaires qui exigent de tels dossiers : ces fameux frais de fonctionnements qui doivent disparaitre des demandes de financements... - sans compter les contraintes administratives de plus en plus lourdes pour les associations : la simplification des fiches de paye qui a abouti à l’apparition de lignes supplémentaires, complexification du Document unique d'évaluation des risques professionnels (à réviser chaque année), mise en place du Règlement général sur la protection des données (RGPD), pour faire des économies à la Sécurité Sociale : passage du certificat médical obligatoire annuel à un certificat triennal pour la pratique d'activités sportives, avec obligation d'archivage par l'association (cf. RGPD) puis depuis 2021 mise en place d'un Questionnaire "QS Sport", le tout à la charge de l'association...
Dans votre domaine d’activité, quelles vous semblent être les évolutions les plus marquantes à relever ? Le paysage a-t-il changé ? Par rapport à 2017, quelle est la situation dans votre secteur ? - paupérisation de la profession : augmentation des contrats courts et/ou de temps partiels, augmentation du turn-over des professionnels - faiblesse de l'engagement bénévole, souvent repoussé par la complexité de l'environnement social de l'animation et par les logiques administratives et comptables qui occupent les réunions de conseil d'administration (par exemple) au détriment d'échanges sur le projet associatif, les actions à développer, etc. ... La technocratisation alimente la professionnalisation des associations mais aussi de tous les partenaires : collectivités locales ou territoriales. - glissement progressif vers le champ concurrentiel,y compris dans sa traduction en terme de droit social : modification de la convention collective de l'animation qui traduit une logique mercantile - manque de lisibilité dans les politiques publiques trop souvent en réaction à l'actualité - mise en place de dispositifs ou d'appel à manifestation d'intérêt dans des délais souvent trop courts, qui ne permettent pas de mobiliser les bénévoles sur des questions pourtant cruciales : projets d'actions, financements de postes... Bref, secteur en situation difficile, sa survie étant lié de plus en plus au bon vouloir d'une collectivité locale. L'équilibre financier réalisé auprès de plusieurs partenaires est de moins en moins possible et la dépendance économique à un unique financeur met en danger la vie démocratique et l'indépendance de la gouvernance de l'association.
Nous entrons donc dans un moment charnière entre deux quinquennats. Dans cette campagne électorale qui commence avez-vous déjà entendu des idées, des pistes d’action, des propositions qui ont particulièrement retenues votre attention ?… Et si non, pensez-vous à des idées, des pistes d’actions ou des propositions que vous aimeriez entendre ces prochaines semaines et ces prochains mois ? Pourtant à l'écoute de plusieurs radios d'informations et lecteurs de différents journaux, je ne pense pas avoir entendu de proposition ayant trait à la vie associative, à la jeunesse ou à l'éducation populaire. Quelques propositions : - (Re-)créer un ministère de la jeunesse et de l'éducation populaire, ayant de réels moyens d'actions - Soutien à l'engagement bénévole et reconnaissance du statut de l'élu associatif (à voir la forme : financier, allègement du temps de travail, trimestres "retraite", etc. ...) - reconnaitre le droit à l'expérimentation et à son financement : les critères quantitatifs imposés réduisent les tentatives d’expérimentation et ce ne sont pas les injonctions à l'innovation pour l'attribution de subventions (qui sont des leurres ou une erreur sémantique) qui favorisent l’expérimentation - mise en place de conventions d'objectifs sur plusieurs années dans le cadre de guichets uniques regroupant TOUS les financeurs publics - information préalable des critères d'instruction ET d'évaluation des dossiers au moment des demandes de financements, présentation préalable des montants alloués aux financements précisant les coûts induits du dispositif : pour une prise en compte de l'ensemble des charges supportées par l'administration ou la collectivité. - suppression des dossiers d'AUTO-évaluations et mise en place de réelles évaluations des demandes de financements : argumentation du refus ou de l'attribution partielle d'un financement demandé, - simplification administrative et accompagnement de l'administration dans les domaines du droit social notamment (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités et URSSAF) - obligation du respect d'une norme comptable unique car ces normes varient selon les documents Cerfa de demande de subvention, les dossiers produits par les collectivités locales (alors qu'il existe un Cerfa), la CAF qui a ses propres normes, etc. ... et qui imposent aux associations de démultiplier le travail pour une même comptabilité.
Nous sommes le 1er mai 2022. Et, c’est une immense surprise mais vous venez d’être nommé Ministre chargé de la vie associative par le candidat issu de la primaire populaire qui vient d’être élu (contre toute attente) à la présidence de la République. Quelles sont les premières mesures sur lesquelles vous décidez alors de travailler ? Dans le cadre de la création du ministère de la vie associative, de l'économie sociale et solidaire, de l'éducation populaire : reconnaissance d'un statut d'association œuvrant au service de l'intérêt général suivi de la mise en place d'un socle de sérénité financière pour ces associations permettant de financer un emploi "structurant" non rentable économiquement. Financement à hauteur maximum de 2 smic horaire d'une indemnité élective (du même type que pour les élus des collectivités locales ou territoriales) pour l'engagement bénévole en tant qu'élu au sein d'une association bénéficiant du statut énoncé précédemment, avec possibilité de bénéficier d'allègement horaires pour les actifs (plafonnés ?) ; ces heures étant comptabilisées pour le cumul retraite (y compris pour les chômeurs, précaires, étudiants) exonérées de charges salariales et cumulables notamment pour les retraités.
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