Affaire planning familial - Châlon sur Saône

Communiqué du Maire et Réponse du Planning publié dans "creusot-info"

Décision du conseil d'État
Exposé des faits
Vu la procédure suivante :
L'association de Saône-et-Loire du Mouvement français pour le planning familial (Planning familial 71) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner au maire de Chalon-sur-Saône, sous astreinte, de retirer son arrêté du 18 février 2022 portant lui-même retrait de l'autorisation, délivrée trois jours plus tôt, d'installer sur la place de l'Hôtel de ville un stand d'information et d'animation sur le thème de l'égalité hommes-femmes et d'appliquer cette autorisation et, d'autre part, de décider que l'ordonnance sera exécutoire aussitôt qu'elle aura été rendue, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2200610 du 4 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision du maire de Chalon-sur-Saône du 18 février 2022, d'autre part, enjoint au maire de Chalon-sur-Saône d'assurer l'exécution de sa décision du 15 février 2022 autorisant l'association Planning familial 71 à installer un stand d'information et d'animation sur la place de l'Hôtel de ville, le 12 mars 2022 de 14 à 18 heures, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Chalon-sur-Saône demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 4 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de mettre à la charge de l'association Planning familial 71 la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que l'association Planning familial 71 n'a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon que treize jours après avoir été informée de la décision du maire ;
- la décision contestée ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression ou au droit de se réunir dans l'espace public, notamment pour y manifester ses opinion dès lors que l'association ne pouvait faire figurer une femme voilée sur l'affiche annonçant la tenue de ce stand sans aller à l'encontre du principe de laïcité ni porter atteinte à l'égalité entre les hommes et les femmes, qu'elle s'était engagée à respecter en souscrivant le contrat d'engagement républicain.

Motifs
#1 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Il résulte de l'instruction menée devant le juge des référés du tribunal administratif de Dijon que l'Association départementale de Saône-et-Loire du Mouvement français pour le Planning familial (Planning familial 71) a été autorisée par le maire de Chalon-sur-Saône, le 15 février 2022, à occuper le domaine public en tenant un stand de 14h à 18h, avec du matériel gracieusement mis à sa disposition par la commune, sur la place de l'Hôtel de ville le samedi 12 mars 2022 dans le cadre de la " journée de la femme " afin de pouvoir diffuser des informations et organiser des animations sur le thème de l'égalité entre les hommes et les femmes. Toutefois, le 18 février 2022, le maire a retiré cette autorisation au motif que l'une des silhouettes féminines figurant sur le " visuel " utilisé pour annoncer l'installation de ce stand portait un voile. Saisi par l'association Planning familial 71 sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a, par une ordonnance du 4 mars 2022, suspendu la décision de retrait du 18 février 2022 et enjoint au maire de Chalon-sur-Saône d'assurer l'exécution de la décision d'autorisation du 15 février 2022. La commune de Chalon-sur-Saône relève appel de cette ordonnance.
#2 3. En premier lieu, l'installation du stand objet de la décision en litige étant prévue le samedi 12 mars 2022, date fixée en lien avec celle la " journée de la femme " et ayant déjà fait l'objet d'une communication à ce titre, il est manifeste que la condition d'urgence particulière à laquelle est subordonnée l'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite, comme l'a à bon droit jugé le juge des référés du tribunal administratif, alors même que l'association ne l'avait pas saisi dès l'intervention de la décision du 18 février 2022.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction du premier juge que le " visuel " en cause représente six silhouettes de femmes s'entrecroisant en mouvement, figurant une foule se déplaçant dans l'espace public, tel que ce pourrait être le cas sur la place de l'Hôtel de ville sur lequel le stand doit être installé, entendant manifestement suggérer, par la diversité de leurs profils, couleurs de chevelure et de peau, ainsi que de vêtements, l'universalité du public féminin auquel entend s'adresser l'association ce samedi 12 mars. A cet égard, la seule circonstance que l'une de ces silhouettes, qui n'apparaît pas particulièrement visible parmi les autres, porte un voile, lui-même discret au sein du " visuel " et ne recouvrant pas le visage, une autre des silhouettes portant un turban africain ou d'autres ne portant pas de couvre-chef, ne saurait à l'évidence, compte tenu de la composition du " visuel " et de l'objectif d'universalisme qu'elle affiche ainsi clairement, être regardée comme traduisant une quelconque forme de prosélytisme religieux, de promotion, ou même d'approbation du port d'un tel voile. Par suite, et alors même que l'autorisation accordée entrerait, compte tenu de l'avantage qu'elle consent à l'association et du matériel qu'elle met à sa disposition, dans le cadre du " contrat d'engagement républicain " des associations bénéficiant de subventions publiques signé par celle-ci, par lequel elle s'est engagée à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République et à respecter l'égalité de tous devant la loi, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'association y aurait porté une quelconque atteinte par l'utilisation de ce " visuel ", reflétant au contraire la volonté de l'association, " dans un souci d'émancipation ", ainsi que celle-ci le souligne, de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes indifféremment auprès de l'ensemble des femmes, y compris celles portant le voile et nonobstant donc les convictions que ce port, qui par ailleurs n'est pas prohibé dans l'espace public, pourrait refléter de leur part.
5. Enfin, si la commune fait valoir qu'une autorisation d'occupation du domaine public ne crée aucun droit pour son bénéficiaire, une telle autorisation ne saurait, pour autant, être retirée pour un motif portant, comme en l'espèce, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression et de communication, garantie par la Constitution et par les articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et au droit de se réunir pour exprimer ses idées et ses opinions, comme l'a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif, qui a également relevé sans que son ordonnance soit contestée sur ce point, que la commune ne faisait état d'aucun risque de trouble à l'ordre public et ne se prévalait d'aucun autre motif pour justifier sa décision de retrait.
#3 6. Par suite, il est manifeste que la commune de Chalon-sur-Saône n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon qu'elle attaque. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, y compris les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

Dispositif
O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune de Chalon-sur-Saône est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Chalon-sur-Saône.
Copie en sera adressée à l'association de Saône-et-Loire du Mouvement français pour le planning familial (Planning familial 71).
Fait à Paris, le 10 mars 2022